L'entreprise - Avril 2003

Français-Américains : les dessous de cultures opposées

Primat de l’explicite, des faits et de la procédure aux Etats-Unis. Contre règne de l’implicite et la relation interpersonnelle en France. A travers son ouvrage Français et Américains, l’autre rive, Pascal Baudry, consultant et ancien psychanalyste, propose une analyse de la culture française, vue d’outre-Atlantique. Un livre de circonstance.

« Les Américains sont procéduriers et hypocrites. Les Français, trop critiques et peu professionnels. » Pour nous aider à sortir des clichés et, surtout, à mieux connaître nos déterminismes culturels, Pascal Baudry livre une analyse originale de la culture française dans Français et Américains, l’autre rive. Riche de vingt années d’expérience professionnelle aux Etats-Unis, Pascal Baudry, ingénieur, consultant, mais aussi Français marié à une Américaine, utilise le contre-point américain et la psychanalyse pour révéler les ressorts culturels des comportements français, entre autres dans l’entreprise. Principales oppositions : primat des faits, de l’explicite et du respect du contrat aux Etats-Unis. Contre « surinvestissement » de la relation entre collaborateurs, règne de l’implicite et du jugement en France. Mais aussi : culture du risque et de la responsabilité, contre dilution du pouvoir et relation fusionnelle à l’entreprise.

L’Américain privilégie la tâche, le Français préfère la relation

« Lorsqu’un Américain rencontre un autre Américain, ils partagent une même référence à la loi. Ils se réunissent parce qu’ils ont une tâche à faire en commun. […] Alors, dans la mesure et seulement dans la mesure où ils en ont besoin pour le bon accomplissement de la tâche, ils vont établir le minimum de relation nécessaire. Puis, quand la tâche sera terminée, ils dissoudront la relation », explique l’auteur. En France, c’est tout l’inverse. Les collaborateurs d’une entreprise chercheront d’abord à créer du « lien ». L’accomplissement de la tâche y est secondaire. Et elle ne se déroule bien que dans le contexte d’une bonne relation aux autres. Un exemple parmi d’autres des différences de comportement que Pascal Baudry met en exergue. Il cite également le fonctionnement « binaire » des Américains. Leur logique les pousse à tout décomposer en vrai ou faux. Leur pragmatisme et leur goût de l’explicite ne souffrent pas les sous-entendus, les allusions ni les jugements personnels. Contrairement à la culture française dont la langue « n’est assez précise que pour mieux dire l’imprécis », déclare l’auteur. De là, découle, aux Etats-Unis, un découpage logique de la définition des opérations à réaliser et des responsabilités, de l’exécution et de l’analyse des résultats (congratulations ou réprimandes). Autrement dit le « process ». « Dans cette culture monochrome – où l’on ne fait qu’une seule chose à la fois –, les Américains ont beaucoup de mal à modifier le process en cours d’exécution », explique Pascal Baudry. Alors que c’est la norme pour les Français. Ainsi, pour les Américains, la performance dans l’entreprise pourra clairement être définie et contrôlée. Mais il demeurera toujours une zone de flou dans les entreprises françaises.

Ancien psychanalyste, l’auteur n’hésite pas à remonter aux relations mère-enfant, observées dans les jardins publics des deux côtés de l’océan, pour mettre en exergue les déterminismes culturels. Du « go and have fun ! » (« vas et amuse-toi ») lancé par la mère américaine au « fais attention, ne t’éloigne pas trop… je t’avais bien dit que c’était dangereux » de son alter ego français. Résultats : l’enfant américain sera a priori plus autonome et aura une vision positive de l’extérieur. L’enfant français, à l’inverse, se sentira plus menacé, jugé et soumis à sa mère. L’ouvrage de Pascal Baudry est d’autant plus intéressant qu’il montre en quoi cette première relation détermine les comportements typiquement français dans l’entreprise. Surtout, une fois ces particularismes identifiés et décodés, il permet d’accepter une logique tout autre. Pour un enrichissement interculturel.


Du cyberlivre au livre imprimé

Pour valider son analyse, Pascal Baudry l’a d’abord placée sur le web. Consulté par quelque 35 000 internautes à travers le monde, son texte s’est enrichi grâce aux commentaires de 2 000 d’entre eux. Aujourd’hui, le cyberlivre continue à exister en parallèle à la version imprimée afin de recueillir observations, témoignages et questions.

Magalie Claustres

Français et Américains, l’autre rive
Pascal Baudry, Editions Village mondial, 224 pages

Lire, gratuitement, la version électronique : www.pbaudry.com/