01 Informatique - 25 février 2005

En route pour la Silicon Valley

Partir travailler dans le temple de la high-tech attire toujours les Français. Mais le départ doit etre bien préparé.

La Silicon Valley fait encore rêver même si la situation est plus dure qu'a la fin des années 90, où l'on embauchait a tour de bras Bans 1'informatique, « elle tontine d'offrir des opportunités, notamment aux jeunes entrepreneurs », confie Ale Gicqueau, le patron d'Interfrench, réseau francophone qui rassemble 5000 professionnels de la high-tech travaillant dans la Silicon Valley (contre 160 inscrits en 2001). Ils seraient à peu près 30 000 Français dans la seule Bay Area, selon une étude de la mission économique de San Francisco dates de février 2004. Mais contrairement à d'autres communautés, nos compatriotes sont très éparpilles. Avec une forte proportion d'ingénieurs dans les domaines du logiciel, des télécoms et des biotechnologies. « Ils travaillent surtout dans des sociétés américaines, car très peu de filiales d'entreprises françaises ont réussi dans la high-tech a part Ilog, Infograme et Business Objects » precise Ale Gicqueau.

La course au sesame

Quels que soient leurs projets, les Français qui veulent s'expatrier dans la Silicon Valley doivent préparer leur voyage. Premier réflexe : obtenir un visa pour les Etats-Unis. Seuls les plus motives et les plus patients s'en sortent ! La plupart du temps, ceux dont 1'experience professionnelle est encore limitée commencent par se doter d'un visa J1 (catégorie « trainee » ). Leur séjour peut alors durer de un à dix-huit mois, a condition d'avoir trouve un recruteur sur place. Pour obtenir un visa H1B (pour trois ans, renouvelable une fois), il faut absolument être diplômé de l'enseignement supérieur. Mais il n'est pas rare de croiser en Californie des Français chanceux qui ont gagné leur carte de séjour à la loterie américaine !

Mais pour décrocher un emploi avant de partir, la meilleure carte à jouer reste le réseau. Il en existe 200 (spécialisés, par exemple, par catégorie professionnelle). Glaner des informations et des contacts sur leur site est souvent fructueux. A savoir aussi : la chambre de commerce franco-américaine (le San Francisco (VACCSF) propose gratuitement sur son site des offres d'emploi. des informations et des conseils pour aborder le marché américain. Elle vend également une liste des sociétés américaines qui recrutent des Français.

Le choc des cultures

Autre point crucial, la connaissance du pays. Les expatriés ont trop souvent l'impression de connaître les Etats-1 'nis. Pourtant, les différences culturelles sont importantes. Et plus encore dans la Silicon Valley, oit tout est centré autour du travail et de l'argent ! Selon Ale Jicqueau, après avoir d'abord idéalisé ce lieu, nombre de Français ressentent un manque émotionnel. Pour s'y préparer, des stages interculturels, proposés avant le départ, aident à mieux appréhender les habitudes des Américains. Des professionnels en free lance qui ont vécu plusieurs années aux Etats Unis se sont spécialisés dans le « coaching interculturel », comme Nathalie Monsaint, par ailleurs professeur en management interculturel.

A un certain degré, elles sont peut-être même incompatibles. Les Américains appellent un chat un chat. Les Français, eux, préfèrent l'art de la nuance, du sous-entendu. Cela rend la plupart d'entre eux moins aptes à diriger des entreprises américaines et les exemples d'échecs sont nombreux. »

Reste la gestion du retour ! La plupart des expatriés revenus en France ont du mal à entrer dans le moule des entreprises de leur pays, à entendre certains discours privilégiant les diplômes plutôt que l'expérience acquise. Pour éviter ce deuxième « choc culturel » et assumer le retour en douceur, il peut être judicieux, là encore, de s'y préparer avant même de partir.

SANDRINE CHICAUD

Point de vue d'un expert

Pascal Baudry, fondateur de WDHB Consulting Group à Berkeley, qui organise des sessions interculturelles de cadres dirigeants.

Français d'origine et naturalisé américain, il est l'auteur de Français et Américains - l'autre rive (Ed. Village mondial). Cet ouvrage est en accès gratuit sur www.pbaudry.com.

"Des premiers mois difficiles. A part une petite minorité d'expatriés ou d'émigrés très fonceurs, qui se barricadent contre ce qui remettrait en cause leur modèle cognitif culturel, la plupart d'entre eux passent par une première phase difficile. Elle se situe généralement autour du quatrième mois de présence aux Etats-Unis."

"La silicon Valley ne convient pas à tout le monde. Déjà, on peut considérer la Californie comme l'Amérique de l'Amérique. La Silicon Valley est encore plus extrême, tant dans le degré d'optimisme foncier qui y règne que dans la taille des projets que l'on ose entreprendre. Cela s'oppose frontalement à ce que j'appelle le « penser petit » de la culture française.

"Nos deux cultures sont très différentes. A un certain degré, elles sont peut-être même incompatibles. Les Américains appellent un chat un chat. Les Français, eux, préfèrent l'art de la nuance, du sous-entendu. Cela rend la plupart d'entre eux moins aptes à diriger des entreprises américaines et les exemples d'échecs sont nombreux.